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Salle à manger dépeuplée, cuisine fantôme, jardins jouant seuls. Une plante verte brûle sur une table nappée d’un blanc virginal, une vache perd tout sens de la mesure et se retrouve interdite dans une assiette sur le vichy d’un repas de famille.
La peinture de Dominique Collignon est un art du dimanche fait d’une matinée un peu grasse, d’une télévision paresseuse, de loisirs à l’abandon sur un gazon doux. Un dimanche sans fin fait de chaises laissées à leur sort oisif, d’une piscine qui devient bibelot surestimé de baignades rares, d’êtres humains absents mais dont on ressent la présence dans les huiles habitées.
Une peinture qui saisit le temps comme on le ferait d’une viande, du temps à point, ni trop ceci ni trop cela, comme il faut. Un temps jamais trop rempli pour qu’il ne déborde, plutôt arrêté un moment, le temps d’un apéritif, d’une conversation, d’un regard déposé au-delà des clôtures. Un temps fait d’autoroutes, de ronds-points, de parkings qui ont fini par occuper la campagne avec leurs sales manières, qui ont forcé la main des siècles pour imposer d’autres certitudes. Veaux, vaches cochons, murs mitoyens et horizons ouvragés se font flous, flou comme ce monde que l’on voit sans le regarder, pensant à autre chose, les yeux dans le vague. Et l’on s’absente alors de ces fatalités qui nous oppressent, envisageant une autre réalité, plus juste, mieux peinte.
L’art de Dominique Collignon est celui des choses, choses attentivement regardées, incrustées dans l’œil et qui prennent du relief dans ces toiles, perdent leur éclat, leur flambant arrogant et se polissent, se peaufinent, se patinent. Acceptent le temps sur leur corps et prennent de la consistance dans l’eau épaisse des vernis. Et un savon peut aussi être beau, comme un bunker, car ce n’est pas la chose qui est belle mais ce que l’on y met de désir, de présence au monde, de poésie emplie. De souffle qui passe comme un vent sur le cœur, en un mot : de peinture.
François Liénard, juin 2005
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